Retour

La Lettre A2CS - 3ème Trimestre 2025

04/11/2025

SARL et régime des sociétés de personnes : Les activités civiles peuvent remettre en cause l’option fiscale

Dans un arrêt du 26 juin 2025, la Cour administrative d’appel de Versailles a rappelé que le bénéfice du régime fiscal des sociétés de personnes peut être remis en cause pour une SARL familiale dès lors qu’elle exerce des activités de nature civile ou non commerciale.

En l’espèce, une SARL familiale ayant opté pour ce régime permettant à ses associés d’imputer les déficits sur leur revenu global, exerçait plusieurs activités : la location de chambres d’hôtes et de gîtes (activité commerciale), la location nue d’une maison et d’un bureau (activités civiles) ainsi que des prestations de conseil (activité non commerciale).

La Cour a jugé que les activités civiles, même accessoires, telles que la location nue ou certaines prestations de conseil, peuvent entraîner la perte du bénéfice du régime des sociétés de personnes en vertu de l’article 239 bis AA.

Ainsi, pour conserver ce régime, une SARL doit exercer exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, à l’exclusion de toute activité civile ou non commerciale.



TVA : Déduction limitée pour les activités para-hôtelières saisonnières

Par un jugement du 3 juin 2025, le Tribunal administratif de Paris a apporté une précision importante pour les exploitants de locations meublées avec prestations para-hôtelières saisonnières.

En l’espèce, une société exploitant un chalet avec services para-hôteliers demandait le remboursement d’un crédit de TVA au titre d’une année calendaire complète, estimant que le bien était intégralement affecté à une activité taxable.

L’administration a toutefois limité la déduction, constatant que le bien n’avait pas été proposé à la location durant trois mois de l’année.

Le Tribunal a confirmé cette position, jugeant que les périodes de non-location doivent être exclues pour déterminer la proportion d’utilisation du bien, entraînant ainsi une déduction partielle de la TVA.



TVA et location meublée : Déduction possible en cas de passage vers une activité para-hôtelière

Une réponse ministérielle récente a précisé les règles de déduction de la TVA lors de l’acquisition d’un logement destiné à la location meublée.

Pour rappel, la location meublée simple est en principe exonérée de TVA (article 261 D, 4° du CGI). Elle devient taxable lorsque le bailleur propose au moins trois services para-hôteliers parmi : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture du linge de maison et l’accueil des clients.

La réponse indique que lorsque le logement, initialement acquis dans le cadre location exonérée, mais est finalement exploité, comprenant des prestations para-hôtelières, le bailleur peut, sous conditions, bénéficier d’un droit à déduction partiel de la TVA ayant grevé son acquisition.

En revanche, aucune déduction n’est possible si le bien a été utilisé dès l’origine pour des besoins purement privés ou pour une activité totalement hors du champ de la TVA.



Engagement de construire : Pas d'exonération si le sous-acquéreur n'est pas assujetti à la TVA

Dans un arrêt du 7 mai 2025 (Cass. com., n° 24-13.572), la Cour de cassation est venue préciser les conditions dans lesquelles un engagement de construire peut être regardé comme valablement exécuté, permettant ainsi de conserver le bénéfice de l’exonération des droits de mutation à titre onéreux.

En l’espèce, une société assujettie à la TVA avait acquis un immeuble en prenant un engagement de construire dans un délai de quatre ans, conformément à l’article 1594-0 G du CGI. Quelques mois plus tard, elle revend le bien à une société non assujettie à la TVA, sans qu’un nouvel engagement de construire ne soit prévu dans l’acte de revente. L’acquéreur a néanmoins réalisé les travaux et déposé la déclaration attestant leur achèvement.

L’Administration fiscale a toutefois considéré que l’engagement initial n’avait pas été respecté, les travaux n’ayant pas été réalisés par un assujetti à la TVA, et a remis en cause l’exonération des droits de mutation.

La Cour de cassation lui a donné raison : si l’assujetti peut confier la réalisation des travaux au nouvel acquéreur du bien, encore faut-il que ce dernier ait lui-même la qualité d’assujetti à la TVA. À défaut, l’engagement de construire est réputé non exécuté, et l’exonération de droits de mutation est perdue.



SCI et requalification en marchand de biens : Un risque fiscal majeur

Par un arrêt du 28 août 2025, la Cour administrative d’appel de Douai a rappelé les risques auxquels s’exposent les SCI lorsqu’elles s’écartent de leur objet social initial.

En l’espèce, une SCI, dont l’objet était limité à la location, avait réalisé plusieurs opérations d’achat-revente entre 2009 et 2017. L’Administration fiscale a procédé à une requalification en activité de marchand de biens, assortie d’une majoration de 80 % pour activité occulte.


Les juges ont considéré que :

  • la répétition de cinq ventes en huit ans suffisait à démontrer le caractère habituel de l’activité ;
  • l’intention spéculative devait s’apprécier dès l’acquisition, notamment en présence de travaux de rénovation, de divisions foncières ou d’une absence de mise en location.


Une telle requalification entraîne :

  • l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés, en lieu et place du régime des plus-values immobilières ;
  • une majoration de 80 % pour activité occulte ;
  • un droit de reprise étendu à dix ans pour l’administration fiscale.


Cet arrêt souligne l’importance pour les SCI de respecter strictement leur objet social : même des opérations limitées d’achat-revente, si elles sont répétées, peuvent suffire à entraîner une requalification avec des conséquences fiscales particulièrement lourdes.



Achat-revente de résidences principales : pas toujours une activité de marchand de biens

Dans un arrêt du 18 décembre 2024, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a apporté une précision importante pour les contribuables réalisant des opérations immobilières au travers d’une SCI.

En l’espèce, une SCI avait procédé, sur une période de neuf ans, à quatre opérations d’achat-revente d’immeubles, dont trois avaient été occupés par les associés en tant que résidences principales. L’administration fiscale avait requalifié ces opérations en activité de marchand de biens, refusant l’exonération d’impôt sur les plus-values immobilières.

La Cour a censuré cette position, estimant que la SCI n’exerçait pas une activité de marchand de biens dès lors que l’administration ne contestait pas l’occupation effective des biens à titre de résidence principale et n’invoquait aucun abus de droit.

Cet arrêt rappelle que la simple revente de biens effectivement occupés par les associés comme résidences principales ne suffit pas à caractériser une intention spéculative et, par conséquent, une activité de marchand de biens.



Le préciput, simple modalité d’exécution du régime patrimonial

La Cour de cassation a récemment précisé la nature juridique du préciput en droit patrimonial.

Pour rappel, l’article 1515 du Code civil permet d’ajouter dans un contrat de mariage une clause dite de préciput. Cette clause autorise le conjoint survivant à prélever, en pleine propriété, certains biens communs avant le partage de la succession.

Dans un avis du 21 mai 2025, la Cour de cassation a jugé que le préciput n’est pas un partage successoral mais une simple conséquence du régime matrimonial, et qu’il n’est donc pas soumis au droit de partage.



Convention de management : Vigilance renforcée pour les holdings animatrices

Dans un arrêt du 26 juin 2025, la Cour administrative d’appel de Lyon a précisé les conditions de déductibilité des prestations facturées par une holding animatrice à ses filiales dans le cadre d’une convention de management.

En l’espèce, une société mère, tête d’un groupe intégré, avait conclu avec l’une de ses filiales une convention portant sur des prestations administratives, comptables, fiscales et de gestion. L’administration fiscale a remis en cause la déductibilité des rémunérations correspondantes, estimant qu’il s’agissait d’un acte anormal de gestion.

La Cour confirme cette position en s’appuyant sur la jurisprudence Collectivision (CE, 4 octobre 2023, n° 466887), rappelant que la qualité de holding animatrice ne dispense pas la filiale de démontrer la réalité, l’effectivité et l’utilité des prestations facturées.

En l’espèce, la société mère ne disposait pas des moyens humains nécessaires pour assurer cette animation, dès lors, les sommes engagées étaient alors dépourvues de contrepartie. Pour ces raisons, la CAA de Lyon en déduit que les charges en cause ne pouvaient être admises en déduction, confirmant ainsi le redressement et la majoration de 40 % pour manquement délibéré.



Révocation d’un dirigeant de SAS : la primauté des statuts rappelée par la Cour de cassation

Dans un arrêt du 9 juillet 2025, la Cour de cassation a rappelé un principe essentiel en matière de gouvernance des sociétés par actions simplifiées (SAS) : les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée (C. com., art. L. 227-1 et L. 227-5) et s’imposent à toute décision extrastatutaire, même prise à l’unanimité des associés.

En l’espèce, les statuts d’une SAS prévoyaient que le directeur général pouvait être révoqué à tout moment et sans juste motif. Cependant, lors de sa nomination, une décision unanime des associés avait restreint cette faculté en prévoyant que la révocation ne pourrait intervenir que dans trois cas précis. Révoqué en dehors de ces conditions, le dirigeant avait sollicité des dommages et intérêts, estimant que la décision unanime valait modification implicite des statuts.

La Cour d’appel de Paris lui avait donné raison, mais la Cour de cassation a censuré cette décision. Elle rappelle qu’une décision des associés peut compléter les statuts, mais ne peut pas y déroger, même lorsqu’elle est adoptée à l’unanimité.



Relèvement des seuils 2024-2025 : Quelles conséquences ?

Pour rappel, depuis le 1er janvier 2024, plusieurs seuils clés ont été modifiés, ils concernent à la fois la définition juridique des entreprises en raison de leurs tailles, les seuils d’obligation de nomination d’un commissaire aux comptes (CAC), ainsi que les règles relatives aux comptes consolidés des grands groupes. Concrètement, les seuils définissant la taille des entreprises ont été augmentés :

  • Micro : bilan porté de 350 K€ à 450 K€, chiffre d’affaires de 700 K€ à 900 K€,
  • Petites entreprises : 6 M€ à 7,5 M€ de bilan, 12 M€ à 15 M€ de CA,
  • Moyennes entreprises : 20 M€ à 25 M€ de bilan, 40 M€ à 50 M€ de CA,
  • Grandes entreprises : désormais au-delà de 25 M€ de bilan et 50 M€ de CA.


Pour la nomination d’un CAC, les seuils ont aussi augmenté :

  • Entités non contrôlées : de 4 M€ à 5 M€ de bilan et de 8 M€ à 10 M€ de CA,
  • Entités contrôlées : de 2 M€ à 2,5 M€ de bilan et de 4 M€ à 5 M€ de CA.


Pour les groupes, l’obligation d’établir des comptes consolidés repose désormais sur le dépassement pendant deux exercices successifs de deux des trois seuils suivants :

  • Anciens seuils : 24 M€ de bilan, 48M€ de CA, 250 salariés,
  • Nouveaux seuils : 30 M€ de bilan, 60 M€ de CA, 250 salariés.


Nous notons que les critères liés au nombre d’employés sont, eux, restés inchangés. Ces relèvements permettent à davantage d’entreprises de bénéficier d’allègements comptables. Cependant, les anciens seuils restent applicables pour les exercices clos avant 2024 (notamment pour les CAC). Concernant les consolidations, les nouveaux seuils ne s’appliqueront qu’en 2025, avec une évaluation sur deux années.



Télécharger le document au format PDF