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La Lettre A2CS - Septembre & Octobre 2022

08/11/2022

Le législateur prend position sur l’animation d’une holding dans le cadre du régime d’exonération Dutreil

La précédente édition de la lettre faisait part de l’absence de conséquence émanant de la perte de la qualité d’animation d’une holding dans le cadre du régime Dutreil (Cass. Com. 25-5-2022).

Pourtant, le législateur est intervenu et a décidé de limiter la portée de cette décision. En effet, l’article 8 de la loi 2022-1157 de finances rectificatives pour 2022, conditionne le bénéfice du régime Dutreil à l’obligation de conservation de la qualité de société animatrice, jusqu’au terme de l’engagement (CGI art 787 B, C bis).

Il convient de constater que le législateur a tranché le litige qui opposait le juge et l’administration. Il prend parti pour la lecture de l’administration et dispose de la qualité de l’animation de la holding, indispensable au bénéfice du régime d’exonération Dutreil.

On peut s’interroger sur la constitutionnalité de l’application rétroactive d’une telle mesure. Elle ne devrait, vraisemblablement, pas avoir à s’appliquer aux sociétés ayant cessé leurs activités opérationnelles avant le 18 juillet 2022, date de mise en vigueur de la loi.


Ouverture d’un droit à déduction de TVA pour les opérations non imposables en France

A l’occasion d’une question parlementaire posée au Ministre de l’Économie et des Finances, celui-ci a eu l’occasion de s’exprimer sur la déductibilité de TVA, occasionnée par des opérations non imposables en France.

Au visa de l’article 169 de la directive n°2006/112/CE, relative au système commun de TVA, la Cour de justice dispose que la déduction de la TVA est possible, pour les prestations de location de locaux nus ou à usage de bureaux ou de commerce, situées dans un autre Etat membre.

Ainsi, les prestations de location de locaux nus, à usage de bureaux, effectuées dans un autre Etat membre ouvrent droit à la déduction de la taxe en amont, supportée pour les besoins de cette activité. Cette déductibilité n’est possible que sous deux conditions cumulatives :

  • Les locations doivent être soumises à la TVA,
  • Les conditions d’exercice de l’option pour leur taxation en France sont réunies.


Il apparait que la transposition de la jurisprudence européenne soit codifiée à l’article 271 du CGI. Cet article prévoit la déduction de TVA, pour les opérations non imposables en France, réalisées par des assujettis, dans l’hypothèse où elles ouvriraient droit à la déduction si le lieu d’imposition s’était situé en France.


Les conditions exigées du mécanisme du report d’imposition en cas d’apport de titres en société

Le mécanisme de l’article 151 octies B du CGI, permet à un contribuable, exerçant une activité à titre professionnel, de procéder à un apport de titres et éviter l’imposition de la plus-value desdits titres.

L’application de ce report est subordonnée à la condition que les titres reçus en rémunération, soient nécessaires à l’activité de l’apporteur.

Par un arrêt en date du 13 juin 2022, le Conseil d’Etat précise que le report d’imposition serait exclu lorsque l’apport ne revêt que d’une simple utilité professionnelle.

Le Conseil d’Etat rétablit une distinction entre actifs nécessaires à l’exploitation de l’activité et actifs utiles à la profession. En ce sens, il opère une certaine graduation entre la nécessité de l’activité et le report d’imposition.

En conséquence, il convient de bien vérifier la nécessité de tels apports et non leurs simples utilités, afin de justifier le mécanisme du report d’imposition prévu par le CGI.


Une erreur sur l’éligibilité d’un avantage fiscal constitue-t-elle une erreur substantielle ?

Il est courant que certaines transactions portent sur des projets d’optimisation fiscale de particuliers.

Dans un arrêt en date du 22 juin 2022, il incombait au juge de définir si une erreur de l’une des parties sur l’obtention future d’un avantage fiscal escompté, constituait une erreur substantielle, susceptible de mener à la nullité du contrat de cession.

Dans cette espèce, le juge répond par l’affirmative et considère que l’erreur qui porte sur la substance est de nature à mener à la nullité de la convention.

Il considère que si les parties avaient eu conscience que le bien n’était pas éligible à cet avantage fiscal, elles n’auraient pas conclu la vente.

Ainsi, cette erreur portait sur la substance même de la convention et entrainait, de droit, l’annulation de la transaction.


Défaut dans la valorisation d’un actif démembré : Quelles conséquences fiscales ?

Comme évoqué dans la dernière édition de la lettre, il n’est pas toujours aisé de valoriser un actif, lorsque celui-ci est démembré.

En ce sens, la Cour Administrative de Marseille a, récemment, jugé qu’une erreur dans la valorisation produisait un écart de valeur pouvant constituer une libéralité taxable.

Dans cette espèce, l’usufruit temporaire d’un local commercial avait été acquis par une société et son associé unique. Après vérification de la comptabilité, l’Administration a considéré que le prix de l’usufruit avait été minoré de façon délibérée.

De ce fait, le juge d’Appel confirme la position de l’Administration. Il considère que cette minoration est une libéralité reflétant un avantage occulte, constitutif d’une distribution de bénéfices, taxable de plein droit.

Cette solution semble limiter la possibilité, pour les contribuables, de valoriser un démembrement. L’Administration imposerait une méthode unique, à savoir, l’actualisation des flux de revenus futurs couplés, aux revenus nets de charges usufructuaires de l’actif.


Quelle Quote-Part de Frais et Charges (QPFC) pour les filiales provenant de pays tiers ?

Pour rappel, la France avait été condamnée par la CJUE, en raison du déséquilibre qu’elle avait créé entre le transfert de bénéfices des filiales présent dans un pays membre soumis à une QPFC de 5 %, contre une QPFC de 1% pour les groupes intégrés en France. Depuis, la législation a évolué et a uniformisé les rapports entre filiales françaises et filiales d’Etats membres de l’Union Européenne.

Il subsiste une distinction de traitement entre les filiales des Etats membres et celles des Etats Tiers. Pourtant le juge national justifie cette différence de traitement : le législateur a entendu inciter la constitution de groupes nationaux, tout en respectant le traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne sur la liberté d’établissement.

En cela, la Cour d’Appel justifie la différence de traitement qu’il existe entre les filiales nationales et membres de l’Union Européenne avec celles des Pays Tiers.


Le statut d’associé issu d’un mariage sous le régime de la communauté de biens

Par un arrêt, en date du 21 septembre 2021, la Chambre commerciale de la Cour de cassation est venue préciser les contours de l’effet d’un divorce, sur le sort de l’associé et de son partenaire dans une entreprise.

Le juge apporte, que l’un des époux peut revendiquer la qualité d’associé pour la moitié des parts sociales, tant que le mariage n’est pas dissous. La Cour de cassation précise que lorsque l’un des époux acquiert des parts sociales, d’une société, avec des biens communs, son conjoint doit en être informé.

Il est prévu que le conjoint puisse renoncer, expressément, à sa qualité d’associé, cette renonciation peut être tacite et est souvent prévue par les parties.


Une faible participation au capital social d’une société : Quel intérêt ?

Le 22 juin 2022, le Conseil d’Etat a apprécié le seuil de faible participation de titres d’une société. En fixant celui-ci à 2.2 % du capital, le juge permet à ces actionnaires de peser un peu plus dans les choix de la société.

En effet, la Haute Cour constate que le niveau de détention de 2.2% permet à l’actionnaire de demander l’inscription de résolutions aux Assemblées Générales soumises au vote de la pluralité des actionnaires. D’un point de vue arithmétique, en fonction des détentions multiples, le minoritaire peut faire peser ses choix, sa vision, à l’occasion de décision en Assemblée Générale.

De plus, il existe des liens économiques et des enjeux entre la société et ses actionnaires. En dépit de leurs participations ces derniers peuvent, oeuvrer et orienter la politique de la société.

Par sa décision, le Conseil d’Etat est venu illustrer l’importance et la place que peuvent détenir des actionnaires minoritaires dans les choix politiques d’une société.


Dépollution d’un site d’une ancienne ICPE : A qui incombe la charge ?

En droit, l’article L511-1 du Code de l’environnement dispose que le dernier exploitant d’une Installation Classée pour la Protection de l’Environnement (ICPE) est dans l’obligation de traiter son site afin, qu’il permette un usage futur conformément aux règles en vigueur.

En revanche, l’exploitant ne peut se voir imposer des mesures complémentaires pour un nouvel usage du site.

En ce sens, la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation conclut que si l’ancien exploitant remplit son obligation de remise en état, il ne peut lui incomber un coût supplémentaire résultant d’un changement d’usage du nouveau propriétaire.


L’assujettissement à la TVA sur marge de la vente d’un bien immobilier

En général, le régime de la marge ne s’applique aux livraisons de terrains à bâtir dont l’acquisition initiale n’a pas été soumise à la TVA.

Le Conseil d’Etat a mis en évidence un principe, initialement posé par la CJUE :

L’option à la TVA est tout de même possible, dans certains cas, et ce, notamment lorsque que le prix d’achat du bien immobilier comprenait, de fait, une TVA en amont.


Les précisions de l’administration sur les impacts fiscaux liés au « nouveau » résultat exceptionnel

Le 3 décembre 2021, le collège de l’Autorité des Normes Comptables approuvait les changements concernant le détail du résultat exceptionnel.

Dès lors, l’article 513-5 du PCG (Plan Comptable Général) dispose que le résultat exceptionnel serait un ensemble de produits et de charges liés à un événement majeur inhabituel. Le résultat exceptionnel est désormais présenté sur deux lignes du compte de résultat, l’une relative aux produits exceptionnels, l’autre pour les charges.

Ces modifications factuelles entrainent quelques conséquences fiscales, néanmoins, la Direction de la Législation Fiscale a précisé que cette réforme n’aurait aucun impact sur le calcul de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.

En revanche, ces changements impactent certains dispositifs : Le calcul de la réserve spéciale et le calcul de la CVAE.

A noter, la Loi de Finances, en rédaction, envisage une disparition progressive de la CVAE, en 2024.



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