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La Lettre A2CS - Septembre & Octobre 2023

24/11/2023

Contrepied législatif concernant la location meublée en matière de Dutreil

Par une décision du 29 septembre 2023, le Conseil d’Etat affirme que l’activité de location meublée peut être considérée comme une activité commerciale.

Pour rappel, seules les activités industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou encore libérale, sont éligibles au régime Dutreil. La doctrine administrative considère que, les activités de location de locaux meublés à usage d’habitation, ne sont pas des activités commerciales.

Contrairement à la doctrine administrative, le Conseil d’Etat estime que le fait de donner en location, de manière habituelle, des locaux d’habitation meublés, n’est pas systématiquement considéré comme une activité civile, dépourvue de caractère commercial.

Dans une décision du 1er juin 2023, une position similaire avait déjà été prise par la Cour de cassation. Elle avait ainsi, remis en cause l’exclusion du champ d’application de l’article 787 B du CGI, des activités de loueurs d’établissements commerciaux ou industriels, munis du mobilier ou matériel nécessaires à leur exploitation. Elle considère, en ce sens, qu’une telle activité peut être commerciale et donc être éligible au régime Dutreil.

Il nous parait cependant opportun d’attendre les éclaircissements de la part du législateur.


Apport à une société contrôlée : l’expiration du report d’imposition en cas de réduction de capital par annulation des titres

Dans une réponse ministérielle du 29 août 2023, il est rappelé que la réduction du capital d’une société bénéficiaire d’un apport initial, par annulation des titres reçus en rémunération de cet apport, met fin au report d’imposition, et ce, même si l’opération est motivée par des pertes.

Pour rappel, lors d’un apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés, les plus-values sont, de plein droit, soumises à un régime de report d’imposition.

De fait, dans l’hypothèse d’une cession ou d’annulation des titres, le report expire et la plus-value devient imposable. L’annulation des titres reçus, en rémunération de l’apport, entraine l’expiration du report d’imposition, au titre de l’année au cours de laquelle l’annulation intervient, et ce, même si la réduction du capital de la société holding est motivée par des pertes.

Le report d’imposition reste maintenu si, la réduction de capital, motivée par des pertes, est réalisée par réduction de la valeur nominale des titres, à la condition que ne soit pas réalisé de distribution aux associés. Cependant, si la réduction de capital, motivée par des pertes, est réalisée par réduction de capital et non par cession, le report est maintenu.


Neutralisation de la QPFC lors de la distribution de dividendes de filiales européennes

Le 2 juin 2023, la Cour administrative d’appel de Paris a jugé que, dans le cadre d’une distribution de dividendes intragroupe, la quote-part de frais et charges (QPFC) de 5% est neutralisée, y compris pour les filiales européennes.

En l’espèce, une société française recevait des dividendes d’une filiale européenne. Ces dividendes sont placés sous le régime fiscal des sociétés mères-filles et la société française est alors imposée sur une QPFC de 5%. Cette dernière demande à bénéficier de la neutralisation de cette QPFC, applicable aux sociétés membre d’un groupe fiscalement intégré. Une différence de traitement serait contraire au principe de liberté d’établissement.

La Cour administrative d’appel de Paris juge qu’une société mère, détenant une filiale européenne, peut bénéficier de la neutralisation de la QPFC, si cette filiale est éligible à l’intégration fiscale dans le cas où elle était établie en France. En ce sens, une différence de traitement ne peut être justifiée par l’absence d’option pour le régime de l’intégration fiscale.


TVA et parahôtellerie : les critères du Gouvernement

Comme évoqué dans notre dernière édition de La Lettre, le 5 juillet dernier, le Conseil d’Etat avait semer le doute concernant le traitement de la TVA en matière de prestations d’hébergement.

Le Gouvernement a, de ce fait, déposé un amendement au projet de loi de finances pour 2024, afin de clarifier ce régime.

Il propose une distinction entre, d’une part, les activités hôtelières ou assimilées, et d’autre part, les activités de location meublée dans le secteur résidentiel.

Les premières, pour être soumises à la TVA, doivent répondre à deux conditions cumulatives : une durée n’excédant pas 30 nuitées et 3 des 4 services suivants, à savoir, l’accueil, le petit déjeuner, le nettoyage et le linge.

Quant aux activités de location meublée dans le secteur résidentiel, elles ne doivent remplir que la seconde condition, à savoir proposer 3 des 4 services évoqués.


Le caractère commercial de l’abandon de créance

Dans une décision du 26 juillet 2023, le Conseil d’Etat apporte une précision inédite concernant le caractère commercial d’un abandon de créance.

Pour rappel, le législateur encadre les abandons de créances en posant le principe de non-déductibilité des aides à caractère financier, par opposition aux aides à caractère commercial qui sont déductibles.

L’Administration considère qu’un abandon de créance présente un caractère commercial, lorsqu’il trouve son origine dans des relations commerciales entre deux sociétés et qu’il est consenti pour maintenir des débouchés, ou pour préserver des sources d’approvisionnement.

En l’espèce, une société mère a consenti à sa filiale, qui rencontrait des difficultés financières, un abandon de créance. Le Conseil d’Etat juge que l’abandon de créance, même si motivé pour partie, par des considérations d’ordre financier, revêt un caractère commercial dans la mesure où la filiale rencontre des difficultés, et ce, même si, l’abandon de créance n’a pas permis de réaliser du chiffre d’affaires.


La notion d’immeuble affecté à l’exploitation pour apprécier la prépondérance immobilière

Dans une décision du 18 septembre 2023, dans le cadre de l’appréciation de la prépondérance immobilière, le Conseil d’Etat précise la notion d’immeuble affecté à l’exploitation d’une société.

Pour rappel, les plus-values issues de la cession de titres de sociétés à prépondérance immobilière non cotées, sont exclues du régime des plus-values à long terme. Afin d’apprécier cette prépondérance, les immeubles affectés à l’exploitation ne sont pas pris en compte.

Le Conseil d’Etat précise que, la notion d’immeuble affecté à l’exploitation prend uniquement en compte les moyens permanents d’exploitation. Les immeubles qui constituent des placements ou qui sont l’objet de cette exploitation, sont donc exclus de cette définition.

En l’espèce, il juge que, les immeubles donnés en location par une société dont l’activité est de donner en location des locaux, ne sont pas des immeubles affectés à l’exploitation. Ils ne sont donc pas pris en compte pour déterminer si la société a un caractère principalement immobilier.


Locations soumises à TVA sur option

La Cour administrative d’appel de Douai, dans une décision du 14 septembre 2023, incite les propriétaires, voulant bénéficier de l’option de TVA pour la location de leurs locaux, à être prudents quant à la date d’exercice de l’option.

Pour rappel, si la location de locaux nus est exonérée de TVA, y compris lorsqu’il s’agit de bureaux, l’article 260 du CGI offre la possibilité de soumettre ces loyers à la TVA. Cette option est néanmoins limitée, en cas de locaux d’habitation nus, donnés en location.

La Cour administrative d’appel de Douai affirme que, la validité de l’option formulée par le propriétaire des locaux qu’il destine à la location, n’est assurée qu’à compter de la date à laquelle sont souscrits les engagements contractuels. Il faut ainsi, au moment où l’option est exercée, démontrer l’intention d’affecter l’immeuble à un usage professionnel.


Précision sur la procédure de régularisation en cas de perte de la moitié du capital social

Le décret 2023-657, entré en vigueur le 27 juillet 2023, a fixé les seuils de la nouvelle procédure de régularisation, en cas de perte de la moitié de ses capitaux propres, par une société.

Dans les quatre mois suivant l’approbation des comptes, si une société par actions ou SARL se retrouve dans cette situation, les associés doivent décider s’ils souhaitent dissoudre ou non la société. Si à l’issue de ce délai, le capital social est supérieur à un certain seuil, la société bénéficie d’un second délai pour réduire son capital, en le ramenant à une valeur inférieure ou égale à ce seuil.

Le décret a alors fixé ces seuils :

  • Pour les SARL et les SAS, le seuil est fixé à 1% du total du bilan de la société, constaté lors de la dernière clôture ;
  • Pour les SA, SCA et les SE, le seuil est la valeur la plus élevée entre 1% du total du bilan de la société lors de la dernière clôture et le capital social minimum.


Passé ce délai, et en l’absence de réduction du capital, la dissolution peut être demandée par tout intéressé.


La prorogation d’une société après son terme

Par un arrêt du 30 août 2023, la Cour de cassation apporte une précision inédite concernant la faculté de proroger une société à l’arrivée de son terme.

Pour rappel, les associés peuvent décider, un an avant la date d’expiration de la société, à l’unanimité (ou à la majorité prévue dans les statuts) de proroger la société.

S’ils n’ont pas été consultés avant l’arrivée du terme, tout associé peut, dans un délai d’un an, demander au Président du tribunal de commerce de proroger la société. Pour ce faire, il faut, dans un délai de trois mois, à compter du terme, consulter les associés pour régulariser la situation en désignant, le cas échéant, un mandataire de justice chargé de provoquer cette consultation.

Selon la Cour, une fois le terme d’une société arrivé à expiration, la procédure de prorogation peut être enclenchée, quelle que soit la raison pour laquelle la consultation des associés n’a pas eu lieu. Il suffit au Président de constater que des associés, représentant au moins la majorité, prévue dans les statuts, aient l’intention de proroger la société.


Convention de management fees et acte anormal de gestion

Le Conseil d’Etat, dans une décision du 4 octobre 2023, juge que, n’est pas constitutif d’un acte anormal de gestion, le versement d’honoraires en exécution d’une convention de management fees entre deux sociétés ayant les mêmes dirigeants.

En l’espèce, deux sociétés ont conclu une convention de management, réalisée par un dirigeant commun. L’Administration a alors remis en cause la déduction des honoraires versés, sur le terrain de l’acte anormal de gestion.

Le Conseil d’Etat a jugé que, n’est pas constitutif d’un acte anormal de gestion, la conclusion d’une telle convention, pour la réalisation de missions relevant des fonctions inhérentes au dirigeant. Cela se justifie par le fait que, cette société établit qu’elle a entendu rémunérer indirectement le dirigeant par le versement des honoraires correspondant à ces prestations.


Les produits financiers sont-ils à intégrer dans le chiffre d’affaires d’une holding ?

Le Conseil d’Etat, dans une décision du 26 juillet 2023, a jugé que le chiffre d’affaires d’une société holding comprend le montant total des recettes réalisées, y compris les produits financiers.

Pour rappel, selon l’article 512-2 du PCG, le chiffre d’affaires correspond aux affaires réalisées avec les tiers dans l’exercice de l’activité professionnelle normale et courante. Selon l’ANC, les produits financiers ne sont jamais à prendre en compte pour le calcul du chiffre d’affaires.

Le Conseil d’Etat a affirmé le principe selon lequel, concernant la contribution sociale sur les bénéfices, les produits financiers sont considérés comme faisant partie du chiffre d’affaires, dans le cas où ils sont inhérents au modèle économique de la société.

En l’espèce, compte tenu des particularités des sociétés holdings, le Conseil d’Etat considère que la perception d’intérêts est inhérente au modèle économique de l’entreprise. De ce fait, les produits financiers des sociétés holding sont à prendre en compte dans le chiffre d’affaires.
      



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