Cession de titres d’une holding animatrice et abattement renforcé : Précisions sur l’appréciation des conditions
Le Conseil d’État affine sa position sur les holdings animatrices, en précisant les critères d’éligibilité à l’abattement fiscal, lors de cessions de titres.
Pour rappel, un particulier qui cède des titres peut opter pour une imposition au barème progressif (et non au taux forfaitaire). Ce choix permet, sous certaines conditions, de bénéficier d’un abattement de 85 % sur la plus-value (article 150-0 D du CGI).
Pour cela :
- La société émettrice doit être une PME de moins de 10 ans ;
- Elle doit exercer une activité opérationnelle ou être qualifiée de holding animatrice.
Deux décisions récentes ont clarifié l'application de ces critères :
- Sur l’ancienneté de la société : selon un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris du 13 décembre 2024, l’âge de la société s’apprécie au niveau de la holding et de ses filiales.
- Sur la date d’appréciation des conditions : dans un arrêt du 3 octobre 2024, le Conseil d’Etat a précisé que les conditions tenant à l’âge et la taille doivent s’apprécier :
- Si la holding acquiert les titres après l’investissement du contribuable : il faut se référer à la date d’acquisition des titres par la holding ;
- Si la holding détenait déjà les titres avant l’investissement du contribuable : il faut prendre en compte la date d’acquisition des titres par le contribuable.
Le régime de TVA des cessions de biens meubles avec un bien immobilier
Pour rappel, lorsque des meubles sont vendus avec un bien immobilier, le régime de TVA applicable dépend du statut du vendeur et des conditions d’utilisation des meubles :
- Assujetti-revendeur : il revend des biens acquis pour la revente ;
- Assujetti-utilisateur : il revend des biens qu’il a utilisés dans le cadre de son activité.
Dans le cas d’un assujetti-utilisateur, la TVA dépend de l’existence d’un droit à déduction lors de l’acquisition :
- Sans droit à déduction : la vente est exonérée de TVA ;
- Avec un droit à déduction : la vente est soumise à TVA.
Ce principe a été rappelé par la Cour administrative d’appel de Bordeaux. Ainsi, lorsque des meubles ont été utilisés dans le cadre d’une activité non soumise à TVA, leur revente est exonérée de TVA, même s’ils sont vendus avec un bien immobilier.
Précisions sur la TVA sur les activités dites « para-hôtelières »
Pour rappel, les activités para-hôtelières sont soumises à la TVA si au moins trois des quatre prestations suivantes sont fournies : petit-déjeuner, linge de maison, accueil des clients et nettoyage des locaux.
L’Administration fiscale a apporté des précisions concernant ces prestations :
- Le petit-déjeuner doit être fourni par l’hébergeur (les recommandations ou distributeurs ne suffisent pas) ;
- Pour un séjour de moins d’une semaine, le linge et le nettoyage sont réputés effectués s’ils ont lieu avant l’arrivée du client ;
- La remise des clés sans accueil physique ne constitue pas un accueil de la clientèle.
Dès lors, la Cour précise que la TVA s’applique à toutes les prestations issues de la chaîne locative, même en présence d’intermédiaires.
Report d’imposition et soulte de 10% en cas d’apport de titres multiples dans un acte unique
Selon l’article 150-0 B ter du CGI, l’apport de titres à une holding peut bénéficier d’un report d’imposition, à l’exception de la soulte, si elle dépasse 10 % de la valeur des titres reçus.
Dans un arrêt du 6 mars 2025, la Cour administrative d’appel de Douai a précisé qu’en cas d’apports multiples dans un même acte, le seuil de 10 % doit être apprécié séparément pour chaque apport.
- En l’espèce, la Cour a retenu une analyse individualisée au motif que :
- chaque apport faisait l’objet d’une valorisation distincte, avec une soulte propre ;
- les soultes compensaient des écarts de valeur, non une dilution ;
- les titres portaient sur des sociétés juridiquement et économiquement distinctes.
Déduction immédiate de la TVA pour une activité future
Dans un arrêt du 16 janvier 2025, la Cour administrative d’appel de Marseille a rappelé qu’il est possible, sous conditions, de déduire la TVA sur des dépenses engagées en vue d’une activité future. Il faut en effet, être en mesure de produire des éléments objectifs démontrant son intention d’affecter le bien ou service à une activité imposable.
En l’espèce, un couple demandait le remboursement de la TVA sur des travaux effectués sur un immeuble destiné à une activité de parahôtellerie. L’Administration a refusé, faute de preuve que le bien serait effectivement affecté à cette activité.
La Cour a confirmé cette position, précisant que l’exercice du droit à déduction doit être justifié par des faits concrets attestant de la destination réelle et immédiate du bien à une activité économique.
Éligibilité au taux réduit d’IS : Prise en compte du chiffre d’affaires à l’échelle du groupe économique
Par une décision du 13 mars 2025, le Conseil d’État a précisé les conditions d’éligibilité au taux réduit d’impôt sur les sociétés à 15 %, réservé aux PME.
Pour rappel, une PME peut bénéficier de ce taux dans la limite de 42 500 € de bénéfice imposable, si elle remplit les conditions suivantes (article 219 du CGI) :
- avoir un chiffre d’affaires inférieur à 10 millions d’euros,
- que son capital soit entièrement libéré,
- être détenue au moins à 75 % par des personnes physiques, ou par des sociétés elles-mêmes éligibles.
Le Conseil d’Etat a confirmé que le seuil de chiffre d’affaires doit être évalué à l’échelle du groupe économique, et non au niveau du groupe fiscalement intégré. En effet, le chiffre d’affaires de l’ensemble des sociétés liées entre elles par des liens capitalistiques, même si elles ne forment pas un groupe intégré, doit être pris en compte.
Qualification juridique des parts sociales de SCI
Dans un arrêt du 2 avril 2025, la Cour de cassation a confirmé que les parts de SCI françaises détenues par des résidents luxembourgeois peuvent être soumises à l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) en France (remplacé en 2018 par l’Impôt sur la Fortune Immobilière).
En l’espèce, les contribuables soutenaient que, en raison du caractère translucide des SCI, leurs parts ne pouvaient être assimilées à des biens immobiliers. En conséquence, celles-ci ne devaient pas entrer dans l’assiette de l’ISF en France. Ils s’appuyaient sur une décision de 2015 rendue en matière de droit de succession, selon laquelle les parts de sociétés à prépondérance immobilière sont des biens incorporels mobiliers.
La Cour de cassation opère un revirement en considérant que les parts de SCI françaises détenant des immeubles en France sont assimilées à des biens immobiliers. Ce raisonnement justifie leur imposition à l’ISF en France, même lorsqu’elles sont détenues par des résidents luxembourgeois.
Requalification en marchand de biens de sociétés d’investissements immobiliers cotées (SIIC)
Pour rappel, le régime des SIIC permet une exonération d’IS et de CVAE sur les revenus locatifs et plus-values immobilières, à condition que l’objet principal de la société soit la gestion locative d’un patrimoine immobilier (article 208 C du CGI).
Dans un arrêt du 13 mars 2025, la Cour administrative d’appel de Paris a requalifié l’activité d’une SIIC en activité de marchand de biens, entraînant la remise en cause des exonérations attachées à ce régime.
La Cour considère que la société avait acquis plusieurs immeubles dans le but de les revendre rapidement et non de les mettre location. Elle se fonde sur le caractère systématique des ventes et du délai bref entre l'achat et la revente des biens. En l’absence de démonstration d’une réelle intention d’exploitation locative, la Cour a estimé que l’activité exercée s’apparentait à celle d’un marchand de biens, entraînant ainsi la remise en cause du régime fiscal favorable applicable aux SIIC.
Exonération de la plus-value : Appréciation de la résidence principale
Dans une décision du 14 mars 2025, le Conseil d’État a précisé les critères d’appréciation de la résidence principale au regard de l’exonération de la plus-value immobilière.
En l’espèce, un couple a occupé un bien pendant six mois avant de le vendre. L’Administration, puis la Cour administrative d’appel, ont refusé l’exonération, estimant que les contribuables n’avaient pas manifesté une intention réelle et durable d’y établir leur résidence principale, malgré des preuves d’occupation.
Le Conseil d’État a censuré cette analyse des juridictions, rappelant que seule l’occupation effective du bien doit être prise en compte pour apprécier la qualité de résidence principale, et non « l’intention du contribuable ».
Article 150-0 B ter : Un levier renforcé pour les activités immobilières
La loi de finances pour 2024 a précisé et assouplit le régime de report d’imposition prévu à l’article 150-0 B ter du CGI, en matière d’activités éligibles.
Pour rappel, ce dispositif permet à un contribuable apportant des titres à une société soumise à l’IS de bénéficier d’un report d’imposition de la plus-value d’apport. En cas de revente ultérieure de ces titres, le report est maintenu si au moins 60 % du produit de cession est réinvesti dans un délai de 2 ans dans une activité économique éligible.
La réforme de 2024 introduit plusieurs évolutions majeures :
- La promotion immobilière est désormais explicitement éligible, levant les incertitudes passées.
- Les véhicules d’investissement (FPCI, SLP, etc.) disposent de 5 ans (contre 4 auparavant) pour investir 75 % de leurs actifs dans des sociétés opérationnelles.
- Le régime reconnaît de nouvelles formes de réinvestissement : titres de créance, avances en compte courant et investissements via des holdings.
Plus-values immobilières : Détermination de la valeur d’acquisition d’un bien partiellement cédé
Par une décision du 13 mars 2025, le Conseil d’État a précisé la méthode de détermination de la valeur d’acquisition d’un bien immobilier en cas de cession partielle, pour le calcul de la plus-value imposable.
Il a rappelé que seule la fraction du bien effectivement cédée doit être prise en compte pour le calcul de la plus-value. En l’absence de stipulation spécifique dans l’acte de cession, c’est la valeur vénale de la partie cédée à la date d’acquisition du bien dans son ensemble, qui doit être retenue.
Par ailleurs, le Conseil d’État exclut expressément la prise en compte des déclarations unilatérales du vendeur figurant dans la partie normalisée de l’acte d’acquisition. Ces mentions, qui ne résultent pas d’un accord entre les parties, ne peuvent être considérées comme fixant le prix d’acquisition.
Fin de l’exception « Marks & Spencer » pour les succursales étrangères
Depuis les arrêts « Marks & Spencer » (CJUE, 2005) et Lidl Belgium (CJUE, 2008) une société pouvait déduire, en France, les pertes définitives d’une filiale ou succursale étrangère.
Cependant, par une décision du 26 avril 2024, le Conseil d’État a opéré un revirement de jurisprudence. Il a estimé que la convention fiscale entre la France et l’État de la succursale prime, confiant exclusivement à cet État le droit d’imposer les bénéfices et de reconnaître les pertes éventuelles.
Dans une décision du 7 février 2025, la Cour administrative d’appel de Paris a confirmé cette position. Elle s’est fondée sur l’arrêt WAG (CJUE, 2022), rappelant que la liberté d’établissement ne peut être invoquée pour contourner les règles des conventions fiscales bilatérales.
Les entreprises disposant de succursales à l’étranger doivent donc anticiper leur gestion fiscale en tenant compte des limitations imposées par ces conventions.
TVA facturée à tort : Rectification et restitution de la taxe
Dans une décision du 15 janvier 2025, le Conseil d’État a rappelé que toute TVA mentionnée sur une facture est exigible.
En l’espèce, une société avait appliqué de la TVA a tort. L’Administration en a exigé le versement, ce que la société a contesté.
Le Conseil d’Etat confirme que la TVA facturée à tort est due, mais ouvre la possibilité d’un remboursement, sous trois conditions cumulatives :
- l’émission d’une facture rectificative annulant la TVA facturée à tort ;
- la démonstration que le client n’a pas exercé de droit à déduction ;
- le dépôt d’une réclamation auprès de l’Administration.